Historique du projet LE PROJET CIPEA/ODEM
Les moyens mis à notre disposition furent exceptionnels : un budget de plus d’un million de dollars, une flotte de véhicules, un avion bimoteur, une  couverture photographique au 1:50 000 en Infra Rouge Couleur, réalisée sur commande par l’Institut Géographique National, IGN. Les moyens humains étaient tout aussi considérables : une trentaine de chercheurs et collaborateurs maliens et internationaux répartis en plusieurs équipes : •	Une équipe d'écologistes sous la direction de Pierre Hiernaux, Mohamed Idrissa Cissé et  Lassine Diarra. •	Une équipe chargée des études et de la cartographie foncière pastorale sous la direction de Salmana Cissé, Samba Soumaré et Jérôme Marie. •	Une équipe chargée des études par survols aériens (notamment comptage du bétail) sous la direction de Kevin Milligan, David Bourn et William Wint. •	Une équipe chargée de l'étude et de la mise en œuvre d'une réforme des territoires et des usages réglant l'accès aux ressources naturelles. Ce travail fut dirigé par Salmana Cissé,  Alain Rochegude (juriste) et Jérôme Marie. •	Enfin, une équipe basée au siège du CIPEA à Addis Abeba, chargée de la cartographie. Mark Haywood, son directeur, effectua de nombreux séjours sur le terrain en compagnie de Pierre Hiernaux. Il réalisa toute la photo-interprétation, définit et fit réaliser le système cartographique. Les équipes foncières chargées de relever les limites des leyde, les pistes pastorales, les gîtes travaillaient directement sur des fonds topographiques au 1:50 000 mis au point par Mark Haywood.  Ce travail aboutit à un rapport  intitulé « Recherche d’une solution aux problèmes de l'élevage dans le Delta intérieur du Niger au Mali » remis au Gouvernement malien et à l’ODEM en mars 1983. Les cinq volumes (1 100 pages) portaient sur :  1 - Les pâturages de la zone d’étude (composition floristique, conditions écologiques, production …) 2-  La répartition et la densité du bétail à différentes saisons obtenues par survols aériens systématiques. 3 - Des monographies géographiques et socio-économiques couvrant tous les leyde (territoires pastoraux peul du Delta), portant sur les villages, la population, les pistes pastorales et l'organisation de la transhumance, les conflits fonciers, etc. 4 - Une analyse juridique proposant des solutions en vue de résoudre les conflits opposant les éleveurs aux pêcheurs et aux agriculteurs. Nous préconisions, en particulier, le remplacement des leyde par des unités agro-pastorales, collectivités territoriales dirigées par un conseil élu qui aurait pour compétence de régler l’usage des ressources (terre, eau, pâturages…) entre les différents ayants droit. Ces rapports  s'accompagnaient  d'une cartographie détaillée en trois couches : •	La cartographie des pâturages du Delta intérieur du Niger (27 cartes à l’échelle du 1:50 000 de format 80x50 cm), mais également la carte des parcours du ‘Delta mort’  et de l’Office du Niger (31 cartes au 1:100 000 de format 40x28cm) et la carte des parcours du glacis continental à l’ouest et au nord (6 feuilles IGN au 1:200 000). •	La cartographie foncière pastorale du Delta intérieur du Niger couvrant les 31 leyde (territoires pastoraux peul) du Delta. Cette couverture, rigoureusement superposable à la précédente, portait le réseau hydrographique détaillé, les éléments de relief (buttes ou "togge"), les villages et les hameaux de culture, les pistes pastorales internes au Delta  (plus de 3 600 km), les gîtes pastoraux (plus de 1 000), la toponymie, les conflits fonciers portant sur les gîtes, les pistes ou les limites de leyde. •	La cartographie comparée de l’occupation agricole des sols en 1952 et 1974/75  (Haywood M. 1981. « Evolution de l'utilisation des terres et de la végétation dans la zone soudano-sahélienne du projet CIPEA au Mali ». Doc. de travail 3, CIPEA, Addis Abeba, 187 p.). Ce travail  ne connut pas d’application et ses résultats ne furent jamais publiés pour plusieurs raisons :  Une mise en pratique supposait que les relations entre les populations et les administrations concernées puissent s’établir sur une base décentralisée et démocratique, ce qui n’était pas le cas à l’époque. La décentralisation mise en place sous la IIIème République,  qui aboutit en 1999 à la création des communes rurales et à l'élection des conseils communaux,  offre maintenant des conditions politiques plus favorables à une gestion locale des ressources naturelles telle que nous la préconisions à l’époque. Malgré la réussite des deux unités expérimentales, le pouvoir politique malien n’était pas prêt, en 1983, pour une réforme aussi radicale. Le CIPEA ne s’était engagé dans l’étude qu’à la demande pressante de la Banque Mondiale. Il n’avait pas prévu de budget pour une publication en dehors de la livraison des documents et des cartes prévus dans le contrat au projet ODEM. Une publication l’éloignait d’ailleurs de la politique du CIPEA de l’époque, centrée sur les projets de développement de la production animale. Se préoccuper du foncier pastoral était assez largement incompris par nos superviseurs d’alors…. Mais la raison principale venait de notre incapacité à effectuer des synthèses, des modélisations et des opérations d’analyse spatiale sur une telle masse de données en l’absence d’un outil informatique puissant. En 1983, l'informatique utilisait des systèmes lourds, lents et coûteux. Les SIG n'existaient pratiquement pas et la télédétection débutait (SPOT, par exemple, n'était pas encore lancé). Pierre Hiernaux traita ses observations phyto-écologiques à l’aide de cartes perforées et lorsque Mark Haywood voulut, en 1983, quantifier la surface des bourgoutières dans le Delta, il dut découper les parcelles représentant cette formation végétale, puis peser le papier pour en déduire la superficie !  LA CRÉATION DU SYSTÈME D'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE DELMASIG  Nous avions cependant soigneusement conservé les archives du projet, et au début des années quatre-vingt dix, avec l’autorisation du CIPEA qui se désintéressait de l’étude, une première tentative de publication de la cartographie eut lieu avec l’aide très active des collègues de l’Institut d’Élevage et de Médecine Vétérinaire des pays Tropicaux, IEMVT (devenu maintenant un département du Centre de coopération International en Recherche Agronomique pour le Développement, CIRAD). Le coût exorbitant de cette publication (environ 1 million de francs soit 170 000 euros) fit échouer le projet. Il devint évident que seule la réalisation d’un SIG permettrait de rendre accessibles ces données et surtout de pouvoir réaliser les synthèses que nous n’avions pu mener à bien à l’époque. À partir de 1997, grâce à l’aide amicale de François Cuq, Jérôme Marie, le géographe de l’équipe, put travailler à plein temps au laboratoire Géosystèmes du CNRS sur le logiciel Arc Info afin de modéliser les données recueillies. Une petite équipe fut mise en place avec Pierre Hiernaux, Mark Haywood, (qui numérisa la totalité des cartes des pâturages),  Isabelle Louise Bisson, étudiante et spécialiste de bases de données, Emmanuel et Jacqueline Giraudet, ingénieurs CNRS, Alain Trouvé, professeur de Mathématiques à Paris13–Villetaneuse et Yu Yong, informaticien de l’Université de Shanghai en post-doc à Paris 13.  Ce premier projet fut achevé en octobre 2000 sous forme d’une HDR- Habilitation à Diriger des Recherches - soutenue par Jérôme Marie à l’université de Paris X Nanterre maintenant Paris-Nanterre.  Le projet original s’est enrichi de nouvelles données : •	Les hauteurs d’eau jusqu’en 2015 afin de modéliser les surfaces inondées. •	Les surfaces cultivées en 1952, 1975, 1989, 2015, permettant de mettre en relation la riziculture avec les sols et la crue. •	La nouvelle organisation territoriale du Mali afin de replacer les analyses dans le cadre des communes rurales. •	Les images satellites Landsat (depuis 1984) permettant de vérifier l’emprise des surfaces inondées pour les différentes hauteurs de crues et de croiser les résultats des analyses des images satellites avec notre propre modèle 3D des cuvettes du Delta. Ce modèle s’enrichit également des milliers de cotes d’altitude créées par l’IGN à l’occasion du Modèle Mathématique du Fleuve Niger. •	En 2014, Pierre Hiernaux et Matthew D.Turner ont pu retourner sur le terrain, revisiter les sites décrits entre 1979 et 1983 et documenter ainsi la dynamique de la végétation pour une éventuelle remise à jour de la carte de la végétation.  C’est donc l’évolution de ce SIG développé maintenant sous ArcGis et baptisé «DELMASIG » pour SIG DELTA intérieur au MALI que Pierre Hiernaux et moi-même avons décidé de rendre accessible à la communauté scientifique en créant un site web dédié.  Membres du projet CIPEA/IER/ODEM  •	Pierre Hiernaux, Mohamed Idrissa Cissé et  Lassine Diarra pour l'étude des pâturages.  •	K. Milligan, David Bourn, William Wint, Peter N. De Leeuw et Mahamet Keita pour les recensements du cheptel. •	Abdallah Ben Alakaouri, Salmana Cissé, Jérôme Marie, Mamadou Nadio, Alain Rochegude, Samba Soumaré, Ibrahim Ag Youssouf et Jeremy Swift pour le CIPEA. Abdel Kader Cissé, Mahamet Keita, Yahia Maguiraga, Gaoussou Sidibé pour l'ODEM placé sous la direction du Docteur Nouhmou Diakité, pour l’étude socio-économique et juridique. •	Mark Haywood et son équipe pour la photo-interprétation et la cartographie.
La zone d’étude avec la grille UTM 30 au pas de 5000 m
En     1975,     le     Centre     International     Pour     l’Elevage     en     Afrique     - C.I.P.E.A/I.L.C.A.-   est   créé,   devenant   ainsi   le   13 ème    centre   de   recherche   du Consultative   Group   on   International   Agricultural   Research ,   C.G.I.A.R.,   qui finance   les   centres   de   recherche   internationaux   promoteurs   de   la   "révolution verte".    En    1979,    il    s’implante    au    Mali    en    collaboration    avec    l’ Institut d’Économie    Rurale     -    I.E.R-    associé    à    l’ Opération    de    Développement    de l’Élevage   de   la   Région   de   Mopti    -   ODEM   -   sur   financement   de   la   Banque Mondiale.   Les   équipes   CIPEA/IER/ODEM   débutent   un   très   ambitieux   projet de   recherche-développement   qui,   dans   l’approche   productiviste   de   l’époque, avait   pour   objectif   de   ‘moderniser’   l’élevage   dans   la   5 ème    région   du   Mali   afin d’en faire un pôle de production animale. Notre mandat s’organisait autour de trois pôles : Mener   une   étude   à   échelle   fine   des   pâturages   du   Delta   intérieur   du Niger   (fig   1)   mais   aussi   des   parcours   de   transhumance   de   saison   des   pluies   et de   saison   fraîche   en   rive   gauche,   à   l’ouest   jusqu’à   la   vallée   du   Serpent,   et   au nord jusqu’à la frontière mauritanienne. Mener   une   étude   de   l’organisation      pastorale      (territoires,   pistes   de transhumance….)   et   des   conflits   opposant   éleveurs,   pêcheurs   et   agriculteurs pour l’utilisation des ressources naturelles. Formuler   des   propositions   d’aménagement   permettant   de   développer la productivité de l’élevage.